Après son cours

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Abby arpentait les couloirs. Elle n'allait pas à un endroit précis, elle voulait juste passer le temps, et surtout, surtout, se vider la tête. Parfois, elle se demandait ce qui lui avait pris de choisir une filière aussi exigeante que médecine. Elle aurait très bien pu devenir chef cuisinier, coiffeuse... ou quoi que ce soit d'autre. Mais non, elle avait voulu faire des études longues et difficiles. Elle aurait du y réfléchir avant de s'inscrire à Yale.

D'un autre coté, elle se disait qu'elle avait de la chance. Elle n'était pas de celle qui devait bûcher pendant des heures pour réussir un examen, ou pour retenir un cours. Elle se contentait d'écouter, et de relire ses notes une ou deux fois. En général, cela suffisait. Elle s'en réjouissait car cela lui laissait beaucoup de temps libre.

Plongée dans ses pensées, la jeune fille ne regardait pas vraiment où elle allait. Elle n'en voyait pas l'utilité : les couloirs étaient loin d'être bondés. Toutefois, elle se rendit compte qu'il s'agissait d'une erreur lorsqu'elle percuta quelqu'un. Ce n'était pas un évènement inhabituelle pour elle : Abby était extrêmement maladroite, ce qui ne lui avait pas toujours valu des situations agréables... Mais bon. Comme elle se disait parfois, elle était née comme ça, et ne pourrait changer sa nature. C'est la vie.

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Aenor était folle de rage ! Comment cet imbécile n'avait-il pas pu voir le violen de la jeune femme posée sur la chaise ! D'ailleurs, pourquoi il avait voulu s'assoir sur la chaise d'Aenor ? La jeune femme lui aurait sûrement sauté à la gorge si elle n'avait pas été en cours. A la sortie du cours, elle s'était même prise une remarque à faire dresser les cheveux sur la tête :

"Ne t'énerve pas trop Aenor, ça favorise l'apparition de rides et c'est mauvais pour la tension."

La jeune blonde souffla un bon coup et alla rejoindre son interlocutrice. Elle afficha un grand sourire et répondit qu'elle ne se casserait pas un ongle sur sa petite joue d'orpheline. Puis elle fit un pas en arrière avant de dire avec dégout :

"Mais c'est peut-être contagieux. Il n'empêche que même si je suis ridée cinq ans avant toi, j'aurais aussi un nom et un patrimoine d'avance. Maintenant excuse-moi, j'ai à faire ailleurs."

Elle partit avec son violon abîmé sous le bras quand elle vit arriver une étudiante en face d'elle. Elle se décala légèrement sur la droite, pensant que l'autre ferait de même. Manque de bol, la fille ne se décala pas et les deux jeunes femmes se percuèrent.

Aenor s'exclama : "Mais qu'avez-vous tous aujourd'hui ?"

Bon, son instrument allait être coincé quelques jours ! Elle soupira en le regardant puis posa un regard assassin sur la jeune fille avant de lui dire d'une voix qui se voulait un peu plus douce :

"Tu devrais penser à lever les yeux quand tu marches. Les couloirs se remplissent vite et nous sommes tous un peu pressés en général. Tu..."

Oui, ça fait mal de demander ça !!

"Tu ne t'es pas fait mal au moins ?"

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Parmi tous les élèves de Yale, Abby se rendit vite compte qu'elle n'était peut-être pas tombée sur la plus sympathique... ou en tout cas, pas sur la mieux lunée. Les paroles prononcées par la jeune fille était assez claires. Elles allaient dans le même sens que son regard assassin, en fait.

* Heureusement que les yeux ne peuvent pas tuer... parce que sinon, je serais déjà à la morgue, à l'heure qu'il est *, se fit elle remarquer. Comme beaucoup, elle détestait qu'on lui lance ce genre de regard. Pourtant, sentant que cette collision était entièrement sa faute, elle inspira un grand coup dans le but de se calmer. Elle était loin d'être de celles qui aime à provoquer des esclandres à chaque endroit où elle passent. Vraiment loin. Elle s'apprétait à s'excuser, à ramasser ses affaires et à passer son chemin en essayant d'oublier cette désagréable histoire quand le ton de la jeune fille changea du tout eu tout. Elle lui demandait si ça allait.

Abby, qui commençait déjà à se baisser pour rattraper son sac, s'arrêta dans son mouvement. Il faut avouer que, celle là, elle ne l'avait pas vu venir. Elle se rendait aussi compte que cette simple question avait beaucoup couté à la jeune fille. C'est la raison pour laquelle, arrêtant de s'occuper de son sac, elle la regarda et lui sourit poliment en lui répondant:

- Oui, ca va... Plus de peur que de mal, on dirais. Et toi ? Tout vas bien ? demanda-t-elle avant de se rendre compte que la jeune fille avait un violon dans les mains. Ton violon n'est pas cassé, au moins ? ajouta-t-elle, soucieuse.

La jeune fille, face à elle, avait beau ne pas sembler très amicale, Abby s'en serait voulu d'avoir cassé son instrument.

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La jeune femme un peu effarouchée par sa brutale rencontre avec l'autre étudiante tâcha de se calmer un peu et de voir si l'autre n'avait rien au moins. Ce serait un peu gênant même si Aenor ne se sentait pas vraiment responsable. L'interlocutrice d'Aenor lui signifia que ça allait et elle crut même bon de prendre des nouvelles de son violon. La dirigeante des Dorzaliss haussa des épaules puis dit, avec une pointe d'agacement :

"Un idiot a déjà cru bon de s'assoir dessus donc je pense que ton intervention n'a pas pu faire empirer son état. Mais..."

Oui, certaines paroles étaient difficiles pour Aenor. Elle ne voulait ne rien devoir à personne et rien que "merci" était assez difficile pour elle. Elle se méfiait de tout le monde et craignait aussi que montrer des signes de sympathie envers les premiers venus lui collent des parasites dans les pattes, des parasites qui seraient tentés de s'intéresser de trop près à elle.

Elle se racla la gorge et remercia l'étudiante de s'en inquiéter avant de se décaler sur le côté pour éviter une nouvelle collision. Elle fit remarquer à son interlocutrice qu'il y avait certaines heures où les couloirs ressemblaient parfois à des halls de gare. Elle demanda alors à la fille son identité puis sa faculté ?

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La blonde, face à Abby, semblait avoir reprit sur le mode Je-suis-énervée-et-je-le-montre, mais la jeune fille ne prêta aucune attention au ton désagréable de sa voix. En effet, il lui arrivait d'être elle même on ne peut plus désagréable, alors elle n'allait pas attaquer une autre étudiante en justice pour une simple saute d'humeur. Il fallait savoir relativiser, dans la vie. Quand Aenor expliqua sa mésaventure précédent, elle sourit, et répondit:

- Tant mieux !

Elle avait à peine fermer la bouche qu'elle se rendit compte de ce qu'elle venait de dire. Elle se reprit quasiment instantanément:

- Enfin... Je ne veux pas dire que c'est tant mieux que quelqu'un aie confondu ton intrument avec une chaise... Juste que... Enfin... Que je suis soulagée de ne pas y être pour grand chose...

Elle avait parlé trop vite. Un tout petit peu trop vite. C'était souvent comme cela qu'elle s'exprimait quand elle se trouvait bête, et au vue de l'énormité qu'elle avait sorti précédemment, elle se trouvait encore plus que bête. Une abrutie complète. Toutefois, elle fut heureuse de pouvoir changer de sujet de conversation. Ce n'était pas qu'elle n'aimait pas les violons - comme tout autre instrument de musique -, mais juste que celui là... Bref. Elle préférait ne plus en parler.

- Et encore, les halls de gare, ce n'est rien comparé à ici, fit la jeune fille. Quoique... ca dépend lesquels, je suppose.

Finissant de ramasser ses affaires, elle se releva et répondit à la dernière question de la jeune fille:

- Je m'appelle Abby Spencer, et je suis en médecine... Et toi?